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La position du Parti chrétien-social du Valais romand sur cet objet est la suivante.

1. Sur la composition de la Commission et la méthode :

La composition de la Commission n’est pas suffisamment représentative, puisqu’il manque clairement de simples praticiens. Aucun représentant du Conseil de l'Ordre des avocats n’y figure, alors qu'il nous paraît évident que cette profession, comme « auxiliaire » de la Justice, devrait être représentée. Il s’agirait également d’intégrer à la Commission des représentants des justiciables, surtout lorsqu'ils sont organisés : par exemple, des délégués syndicaux et des représentants des consommateurs.

Nous ne comprenons pas que l'on n'envisage pas une réforme complète - et éventuellement douloureuse - de notre organisation judiciaire et de nos procédures. Ou bien le droit fédéral nous oblige à certaines réformes et il faut les mettre en oeuvre sans retard en y ajoutant des réformes souhaitables, ou bien on propose le minimum nécessaire. La méthode retenue comporte de nombreux risques : après la première étape proposée, il y en a déjà une deuxième suggérée et nécessaire, pour laquelle la Commission pourrait être composée de façon différente et formuler par conséquent des propositions qui nécessiteraient des modifications des propositions de la première commission et ainsi de suite. Dans l'intervalle, le Grand Conseil aura pris certaines options sur lesquelles il sera difficile de revenir.

2. Sur les objectifs : 

La charge de travail de la justice valaisanne de première instance est connue et augmente régulièrement d'année en année en matière civile et pénale. De nouvelles compétences sont attendues en raison de la modification du droit fédéral et vont évidemment, à terme, accroître cette charge de travail. L'avant-projet aujourd'hui en discussion prend toutefois place dans une phase préalable qui tend à "optimiser" les ressources actuelles. Cependant, les mesures proposées nous semblent aller largement en sens inverse, puisqu'elles auront, à notre avis, pour résultat de réduire l'efficacité des magistrats en exigeant qu'ils soient "polyvalents".

En effet, à l'heure actuelle, les juges de première instance agissent dans des domaines de compétence bien déterminés dans lesquels ils se sont spécialisés et ont acquis de l'expérience, ce qui leur permet à l'évidence de gagner en efficacité. Or, introduire la "polyvalence" proposée par le rapport comporte manifestement un grand risque de dispersion des énergies de travail de magistrats qui peinent déjà - en raison de l'augmentation régulière des affaires à traiter - à accomplir les tâches bien spécifiées qui leur sont confiées. Une telle polyvalence ne se ferait en outre pas sans un investissement temporel significatif pour acquérir les connaissances nécessaires aux nouvelles tâches à assumer. Est-ce dès lors vraiment une "optimisation" des ressources du pouvoir judiciaire ?

Nous remarquons que le rapport prône à la fois la spécialisation et la polyvalence, sans indiquer comment concilier ces objectifs à première vue antinomiques. Spécialisation et polyvalence des juges nous paraissent incompatibles. Avec les dernières modifications du droit judiciaire pénal, on a tenté de favoriser certaines spécialisations des juges d'instruction pénale, notamment en matière économique. Il faut donc poursuivre dans la voie de la spécialisation thématique des juges, ce qui n'empêche en rien leur mobilité à l'intérieur du canton.

Nous prenons note de l'idée de polyvalence telle que décrite dans le rapport, mais la proposition de l'art. 12bis al 2 OJ ne nous paraît vraiment pas pertinente : ces procédures de désignation de juges "ad hoc" pour une instruction, un débat et/ou un jugement ne feront qu'occasionner une charge supplémentaire de travail administratif au Tribunal cantonal (TC), ce qui est contre-productif. En outre, le justiciable a besoin de certitudes quant à la question de savoir qui est susceptible d'instruire son procès ou de le juger, sans que cela puisse dépendre du bon vouloir de l'autorité de plainte ou d'appel. Tout comme un parlement et un gouvernement sont élus pour une période, un tribunal est nommé pour un temps, sans qu'il doive être possible d'en changer les membres en fonction de « l'humeur » du Tribunal cantonal et/ou des (in)disponibilités d'un juge ou l'autre.

Nous avons des doutes sur la capacité d'un juge de l'Office du juge d'instruction cantonal d'instruire de manière satisfaisante, en même temps et en parallèle à une autre affaire de trafic international, une affaire concernant des mineurs, qui nécessite des connaissances particulières et qui, de surcroît, se déroule actuellement et en général sans intervention d'un défenseur mandaté.

3. Sur les juges uniques : 

La proposition de l'art. 23 al 5 CPC doit être écartée. Dans la pratique actuelle, on croit savoir que les jugements du TC en matière civile sont rendus dans leur plus grande majorité sur la base du rapport de l'un des juges. Du point de vue du travail de recherche et de réflexion de chacun des autres membres du Tribunal, il apparaît ainsi que cette proposition est sans portée matérielle, sauf qu'il peut heureusement arriver, dans le système des cours à plusieurs juges, que l'un d'entre eux décèle des lacunes et/ou des erreurs dans le rapport établi par son collègue et amène à une décision différente.

Ceci est d'autant plus important que des valeurs litigieuses de Fr. 50'000.-- et moins ne sont pas rares en Valais, et qu'elles peuvent concerner notamment des procédures en matière de contrat de travail, où il s'agit souvent de l'équivalent de plus d'une année de labeur du justiciable.

Comment expliquer que, si la valeur litigieuse est inférieure à Fr. 30'000.--, le procès sera tranché par un jugement rendu par trois juges et que, si elle se situe entre Fr. 30'000.-- et Fr. 50'000.--, il sera rendu par un seul juge, au demeurant peut-être éloigné dans sa vie quotidienne des problèmes du travailleur (licenciement, chômage et autres). Il découle de cette position que les modifications proposées aux art. 30 al 1 lit b, 140 al 2, 171 al 3 lit a, 206 lit a et 227bis doivent être biffées.

Nous ne comprenons pas la proposition de modification des art. 19 al 1 et 30 al 2 LALP : veut-on vraiment laisser à un juge unique le choix de décider s'il décide tout seul du sort d'une plainte ? C'est en tous cas ce qui ressort de la proposition de la Commission. Ou bien on provoque une première décision de la cour à trois juges qui autorise un juge unique à décider sur le fond - ce qui ne paraît pas très économique si l'on admet que les juges vont étudier la question posée et son importance du point de vue de l'administration de la justice, avant de décider s'ils doivent trancher eux-mêmes ou laisser le soin de décider sur le fond à un juge unique -, ou bien on admet que le juge unique peut en décider lui-même - ce qui paraît être une caricature du système judiciaire.

En matière pénale, les propositions de modifications des art. 167 et suivants CPP nous paraissent soumises aux mêmes critiques : qui décide quand la plainte sera traitée par un juge unique ou par la Chambre pénale (ou l'autorité de plainte, dans la logique du projet qui supprime précisément la Chambre pénale) ?

Nous avons des doutes sur l'institution d'un juge d'appel unique à l'art. 176 al 4 lit b CPP : même si on limite ce genre de situations à des cas apparemment bénins, il ne faut pas perdre de vue que le justiciable - condamné en première instance par un juge unique - aura de la peine à comprendre qu’ayant dans la plupart des cas avancé les frais d'appel, il n'a pas droit à être entendu (et jugé) par un collège de juges. Il faut éviter de donner le sentiment d'une justice au rabais.

En matière administrative et d'assurances sociales, l'art. 65 al 3 lit a LPJA ne doit pas être introduit. En effet, comment expliquer que des recours en matière de respect des normes fédérales ou cantonales en matière d'aménagement du territoire, de constructions au sens large, d'autonomie communale ou de droit des étrangers, puissent être traités par un juge unique ? La modification proposée à l'art. 81bis LPJA n'appelle pas de critiques de notre part.

Plus généralement, la question des juges uniques nous paraît essentielle. Il s'agit d'une question relevant de la crédibilité de la Justice. Un justiciable doit pouvoir se dire au moins que, s'il a été condamné à tort ou qu'on ne lui a pas rendu justice contre son conjoint, son voisin ou son employé, c'était en dernier ressort l'erreur non pas d'un juge trop facilement reconnaissable, mais bien d'un tribunal. Et l'argument qu'il reste toujours aux mécontents le recours au Tribunal fédéral (TF) n'est pas pertinent.

Un recours au TF suppose des conditions de recevabilité qui ne sont pas les mêmes qu'en procédure cantonale, et vouloir à tout prix limiter la portée des recours cantonaux ne conduit qu'à une négation de l'idée de Justice. De plus, si le TF admettait de plus en plus de recours et notamment pour violation des droits fondamentaux, cela serait vraiment dommageable pour l'image de la justice du canton.

Au chapitre de la juridiction du "juge unique pour les jugements au fond", nous relèverons que la proposition de confier à un tel juge la connaissance d'une "cause quelconque dont les conclusions sont manifestement infondées ou bien fondées" nous paraît pour le moins délicate. Qu'est-ce qu'une cause manifestement infondée ou bien fondée ? Voilà des concepts bien difficiles à définir et le rapport n'offre aucune aide pour le faire. N'y a-t-il pas un risque que ces notions soient à géométrie variable, selon les besoins du moment ?

4. Sur d’autres points spécifiques :

Le rapport propose de faire "éclater le binôme judiciaire juge/greffier", sans plus ample analyse. Or, en l'état, un juge de district ne peut tout simplement pas faire face au travail qu'il doit accomplir, sans l'aide précieuse du greffier qui lui est affecté. Ce point nécessite également, à notre avis, une étude plus fouillée que celle qui figure dans le rapport. Créer un pool de greffiers à répartir selon l'appréciation du Tribunal cantonal nous paraît aller en sens contraire au souci d'efficacité dont se réclame le rapport.

Les réflexions concernant le "cursus judiciaire" sont particulièrement peu compréhensibles, comme d'ailleurs celles concernant la rémunération des juges et des greffiers. On ne comprend pas quelles mesures sont envisagées, la seule modification législative proposée nous paraissant sans lien direct avec ledit cursus et le système (général) de rémunération des juges et des greffiers.

Nous saluons l'introduction de l'art. 123bis LACC. Il y a là une lacune du droit cantonal qui méritait d'être comblée. Tout au plus pourrait-on souhaiter l'adjonction d'une procédure de mise à ban, qui éviterait peut-être certaines difficultés de notification des décisions.

Concernant les points 5 et 6 du rapport, nous nous interrogeons sur le fondement des affirmations posées, qui ne sont en rien démontrées. En particulier, comment arrive-t-on aux chiffres de postes "économisés" ? Y a-t-il eu des études réalisées dont le rapport ne parle pas ? Telles que présentées, les conclusions du rapport nous paraissent (presque) « sortir d'un chapeau de magicien », si vous nous passez l’expression.

5. En conclusion :

Le rapport renferme peu d’analyse argumentée et ne comprend aucune comparaison avec des systèmes existant déjà ailleurs. Aux yeux du PCS, ce rapport comporte de larges parts d'ombre, assène parfois des affirmations sans les démontrer et préconise des mesures, qui ne permettent pas d'améliorer l'efficacité de la justice de première instance.

Enfin, nous remarquons un renforcement important des compétences du Tribunal cantonal dans l'organisation du travail de la justice de première instance. En effet, ce dernier pourra à sa guise déplacer des juges, leur confier d'autres tâches et « jongler » avec les greffiers.