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Emplois précaires – l’aspect caché de la flexibilisation

En Suisse, un emploi sur dix est potentiellement précaire; il s’agit le plus souvent d’un travail sur appel. Les employeurs se déchargent de leur risque d’entrepreneur sur les employés. Les emplois précaires sont un signal pour les employés réguliers et pour les personnes concernées, ils sont synonymes de stress et de préoccupations et entraînent une désintégration sociale. Il est impératif de mettre fin à l’érosion des conditions de travail créée par les emplois précaires au sein de notre économie nationale.

Les employeurs exigent de plus en plus fréquemment de leurs employé-e-s une flexibilité et une disponibilité absolues et ne leur accordent plus une planification fiable des horaires de travail et un salaire adéquat. Corollaire : une précarisation du monde du travail dans notre pays.

Insécurité en ce qui concerne l’avenir, insécurité financière et insécurité sur le plan des assurances sociales

Les emplois précaires sont synonymes d’insécurité en matière de moyens de subsistance (insécurité économique), sur le plan de la continuité de l’emploi (insécurité en ce qui concerne l’avenir) et sur le plan social (couverture sociale insuffisante ou lacunaire). Le travail temporaire et les emplois à durée déterminée sont des exemples d’emplois engendrant une insécurité en ce qui concerne l’avenir. L’insécurité financière ou économique est engendrée par le travail sur appel et le travail à domicile sans stipulation contractuelle du nombre d’heures. L’insécurité sur le plan de la protection sociale est engendrée par le statut de faux indépendant, le travail au noir ou d’autres formes de travail ne garantissant pas une couverture sociale suffisante. De plus, les emplois précaires se caractérisent par le fait que les personnes concernées n’ont pas la possibilité d’influer sur les conditions de travail. Dans ce contexte, il s’agit de prendre aussi en compte l’axe du temps. D’ailleurs, les « itinéraires professionnels » deviennent précaires lorsque le chômage et les engagements à durée déterminée ou le travail temporaire se relaient.

Quatre pour cent des personnes exerçant une activité professionnelle ont un emploi précaire

Caritas a été la première à prendre sous la loupe, en 2001, les emplois précaires. Elle en a conclu qu’il existe en Suisse 430'000 emplois potentiellement précaires, donc un emploi sur dix. L’étude Ecoplan, faite en 2002 à la demande du seco, était une démarche différente, mais elle est arrivée au même résultat : en Suisse, 453'000 personnes ont un emploi potentiellement précaire, ce qui représente 11.4% de l’ensemble des emplois. En y ajoutant une limite de revenus, l’étude Ecoplan arrive à 152'000 emplois précaires, ce qui correspond à 4% de tous les emplois. Il faut préciser que ces deux études ne tiennent pas compte des pendulaires et des ressortissant-e-s disposant d’une autorisation de séjour de courte durée. Si on les prenait en considération, au moins 50'000 personnes viendraient s’ajouter aux chiffres obtenus pour l’emploi précaire.

Mauvaise situation sur le marché du travail – nombre croissant d’emplois précaires

Il y a un rapport entre le nombre d’emplois précaires et la situation conjoncturelle. Entre 1993 et 1998, le nombre d’emplois précaires a augmenté[1] – le taux de chômage était alors élevé et les prévisions en matière d’emploi étaient mauvaises. Par conséquent, on peut en déduire que le nombre d’emplois précaires a encore augmenté ces dernières années – certes, la croissance économique a de nouveau repris depuis 2003, mais le marché du travail a encore stagné jusqu’à fin 2006.

Le travail sur appel est la forme de travail précaire la plus fréquente

La forme de travail précaire la plus fréquente est le travail sur appel. Quatre emplois précaires sur dix concernent un travail sur appel, viennent ensuite les emplois à durée déterminée et le travail à domicile.

Precarite

 

C’est dans les branches classiques de la restauration, du commerce et des ménages privés où les salaires sont bas qu’on trouve le plus fréquemment le travail sur appel. Les femmes, les jeunes et les personnes peu qualifiées sont particulièrement touchées par le travail précaire.

Plus de la moitié des personnes qui fournissent un travail sur appel ne bénéficie pas d’un taux minimal d’occupation garanti. Le salaire de ces personnes n’est donc pas sûr. En outre, elles gagnent en moyenne et par heure 20% de moins que leurs collègues[2]. Une situation inacceptable.

Les employeurs se déchargent de leur risque d’entrepreneur

Lorsque la conjoncture est faible, les employeurs peuvent profiter du fait que la marge de manœuvre des salariés est restreinte. Par conséquent, les personnes en quête d’emploi sont contraintes d’accepter des contrats de travail sans obligation en retour pour l’employeur et des conditions de travail nullement attractives, comme un travail sur appel ou temporaire. En cas de travail sur appel, les employeurs profitent grandement : ils exigent des employés une flexibilité absolue et peuvent ainsi exploiter pleinement à court terme et sans grands frais la capacité de leurs employés. Cette situation se rencontre en particulier dans des branches qui subissent de grandes fluctuations de volume de travail : grâce au travail sur appel, un employeur peut décharger son risque d’entrepreneur sur les employés concernés. Une telle flexibilisation se fait entièrement aux dépens des employés.

Signal intimidant

Le statut des personnes qui ont un emploi précaire dans une entreprise est un signal intimidant pour les employés fixes travaillant (encore) dans le cadre d’un rapport de travail régulier. Ils sont constamment confrontés au fait qu’ils pourraient être remplacés à n’importe quel moment par une main-d’œuvre précaire, hautement flexible. La pression relative aux conditions de travail et aux salaires des employés fixes est ainsi renforcée et ces derniers n’osent pas se défendre contre la dégradation de leurs conditions de travail. L’impact de l’érosion des conditions de travail due à l’emploi précaire est énorme au sein de notre économie nationale.

Les emplois précaires engendrent stress et préoccupations

Avoir un emploi précaire est synonyme de stress. La personne concernée ne sait pas quel salaire elle touchera à la fin du mois, elle est dans l’incertitude car elle ne sait pas quelle va être la durée de son rapport de travail et quand on fera appel à elle. Quant à la couverture sociale, elle est souvent insuffisante et lacunaire. De plus, cette situation précaire a des retombées familiales et personnelles. Il est impossible de planifier le quotidien et les soucis financiers deviennent un tourment.

Menace de désintégration sociale

Les emplois précaires ne génèrent pas uniquement de durs destins individuels, ils sont également un thème explosif sur le plan social. Des données d’ordre sociopolitique sous-tendent cette problématique. Une désintégration sociale menace. Les personnes en emploi précaire ont plus souvent des problèmes de santé, physiques et psychiques, à cause du stress que leur situation engendre. Elles ont rarement accès à une formation continue, font souvent partie des working poors ou reçoivent une aide sociale. Elles ont peu de chance de pouvoir sortir de cette situation professionnelle, donc peu d’espoir d’amélioration. Cela signifie donc une charge durable pour les œuvres sociales. L’emploi précaire ne doit pas être simplement supporté, il s’agit de le combattre.


[1] Emplois précaires, 2002, Etude Ecoplan à la demande du seco

[2] Arbeit auf Abruf, 2002, Etude de F. Henneberger à la demande du seco