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HerveRohLe Tour de France est mort. Mort d’avoir trop longtemps fermé les yeux sur un fléau que seuls des managers et entraîneurs sans scrupules osent encore ignorer. Le Tour de France est mort, vive le Tour. Eh oui, car le Tour n’est pas prêt de s’arrêter, tant les intérêts économiques en jeu sont puissants, en tout cas bien plus que les coups de gueule de quelques journalistes et les huées du public à l’endroit de coureurs que la veille encore, on hissait au firmament de la petite reine.

Le dopage gangrène le cyclisme, c’est indéniable et ce n’est pas un scoop d’actualité. Seuls les as du poker menteur oseraient jurer avoir gagné la Grande Boucle ou une autre course de cette ampleur au cours des 20 ou 30 dernières années au seul bénéfice d´un entraînement surhumain et d´une eau particulièrement riche en sels minéraux. Ce n’est pas un tel régime qui permet de développer sur des centaines de kilomètres une puissance à la limite supérieure de celle qu’un corps humain parfaitement sain peut produire. Comme dans la fable, tous crièrent "Haro sur le baudet".

Ces scandales à répétition dans le cyclisme arrivent à point nommé pour masquer la réalité dans d´autres disciplines. Comment croire en effet que ce sport soit le seul touché par le dopage ? Il n’est qu’à examiner les prestations des athlètes dits "de haut niveau " pour se rendre à l’évidence. Que ce soit dans les sports individuels ou d´équipe, l’amélioration des performances, au cours des dernières décennies, ne peut s’expliquer par les seules méthodes d’entraînement et de nutrition. Ni même pas des injections de sang de bœuf, qui ont généré des sourires narquois en Valais…

Le plus grave, c’est ce que le dopage marque une très nette tendance à la généralisation. Des médecins du sport renommés tirent la sonnette d’alarme, car le phénomène toucherait de plein fouet les sportifs amateurs. On estime en effet que près de 50 % de l’EPO commercialisée en Suisse est utilisé dans le sport. Un ami médecin me disait récemment que des adolescents, dans le but d’améliorer leurs performances sportives, lui réclament la prescription de médicaments favorisant la consommation d´oxygène, certes sans commune mesure avec l’EPO, et que face à son refus, ils consultent des confrères dont les noms circulent dans le petit monde du sport amateur…

De tous temps, les athlètes ont consommé des produits destinés à améliorer leurs capacités physiques. Aujourd´hui néanmoins, la pharmacologie est capable de synthétiser des hormones naturelles, qui, prises sans nécessité, produisent des effets néfastes, voire dangereux. Le dopage est en passe de devenir un problème de santé publique majeur et avant qu´il n´échappe à tout contrôle, il est temps que l´Etat reprenne l´initiative des mains des fédérations sportives, qui, du fait des intérêts financiers en jeu, n´ont la volonté de le contrer que sur le papier. Il ne s´agit pas seulement de sanctionner l´athlète, mais également son entourage sportif, médical et administratif, qui favorise la pratique du dopage.

Le sport d´élite a un tel arrière-goût de fric qu´il n´est pas étonnant que le dopage ait pris une telle ampleur. Mais nous, public, avons aussi notre part de responsabilité. A exiger des performances toujours plus élevées, à s´extasier devant des exploits quasi surhumains, à porter aux nues des athlètes, on participe pleinement à la "starisation" et l´hyper médiatisation du sport, à la valorisation de son attrait pour les investisseurs et, indirectement, à l´accroissement du dopage. 

Hervé Roh
Candidat au Conseil national