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HerveRohLa formation des jeunes occupe une place prépondérante dans les préoccupations des citoyennes et citoyens de notre pays. C'est très bien, car c'est l'avenir de la Suisse qui est en jeu.

On évoque fréquemment le déficit chronique dont souffre notre pays en matière d'offre de places d'apprentissage. On met également le doigt, à juste titre, sur le faible pourcentage d'entreprises formatrices. Des candidats aux prochaines élections fédérales issus de la droite libérale, affirment dans un même temps que tout n'est pas si noir, puisque le taux de chômage des jeunes en Suisse est parmi les plus bas d'Europe. La conclusion  est un peu facile et il me semble important d'apporter un éclairage différent sur ce sujet.

S'il est vrai que des jeunes ont des difficultés à trouver une place d'apprentissage, il faut aussi rappeler que des secteurs entiers de notre économie peinent à recruter des apprenants ou ne trouvent que des candidats qui embrassent la profession par défaut. C'est le cas notamment des métiers manuels de la construction et du bâtiment. Ce qui est consternant, c'est que ces professions, grâce à une longue tradition de partenariat social, attachent de l'importance à la formation et sont en constante recherche de main d'œuvre qualifiée depuis plusieurs années. Faute d'intérêt de la part des indigènes, ces entreprises sont obligées de recruter leur personnel à l'étranger, avec toutes les implications prévisibles lorsque la conjoncture se trouvera inversée.

On constate par ailleurs, dans ces mêmes professions, que les jeunes particulièrement motivés, une fois leur formation de base achevée, se dirigent vers une HES ou une formation professionnelle supérieure, avec la volonté d'embrasser une carrière technique. Les entreprises qui font l'effort de formation voient ainsi leurs meilleurs éléments quitter la profession. Le souci des patrons de ces PME, c'est désormais davantage de trouver de bons professionnels pour exécuter les travaux avec art et maîtrise que de décrocher des mandats.

Le manque d'attractivité des professions manuelles résulte essentiellement du peu de considération dont elles jouissent. L'ouvrier en salopette est souvent regardé avec dédain, quand ce n'est pas avec mépris. Son avis, souvent éclairé, bien que basé sur des considérations pratiques, est rarement écouté par les techniciens. L'image qui lui colle à la peau est celle du travailleur peu qualifié, peu doué pour la réflexion et tout juste bon à vendre sa force de travail. Ce constat est plutôt amer, mais c'est la réalité ! Il n'est qu'à voir l'engouement que manifestent les jeunes pour des professions parfois moins bien rémunérées, mais qui renvoient vers l'extérieur une meilleure image.

Si l'on veut maintenir la qualité de nos ouvrages construits, si l'on veut motiver des jeunes à se former dans ces professions, si on veut les inciter à y poursuivre une activité manuelle,  il faut réagir et les mettre en valeur. Il ne s'agit pas de vanter les possibilités d'évolution de carrière qu'offre l'apprentissage, même si elles sont intéressantes, mais de redorer le blason des métiers manuels.  Cette valorisation ne passe pas seulement par une amélioration des conditions matérielles de travail, mais surtout par  la diffusion d'une image positive. Il faut dire et redire au grand public que les vrais professionnels du bâtiment ne sont pas des "manoillons", comme certains bien-pensants le croient, mais des spécialistes aux connaissances techniques étendues. Il faut faire passer le message que l'on ne choisit pas un métier manuel par défaut, mais par passion, parce qu'on a précisément ce petit "truc" en plus dans les mains, qui fait que l'on sera un excellent maçon, un menuisier ébéniste remarquable ou encore un ferblantier ingénieux. Il faut enfin encourager ces artisans à rester dans la profession, en proposant des formations pratiques complémentaires certifiées et donnant droit à un avantage salarial.

Si les politiques sont rares à aborder la question, c'est certainement que les métiers manuels ne les intéressent que très vaguement. C'est une erreur, car la situation actuelle, si on la laisse encore se dégrader, aura des conséquences réellement néfastes à l'avenir, et pas seulement au niveau des standards de qualité de nos constructions. Il n'est qu'à voir les domaines où l'économie peine à absorber tous les jeunes qui sortent avec une formation supérieure, alors que dans un même temps, d’autres secteurs "importent" à tour de bras de la main d'œuvre étrangère. A la prochaine récession, ces travailleurs viendront grossir les statistiques du chômage et rejoindre peut-être les jeunes que l’on a formés dans des professions saturées.

Hervé Roh
Candidat au Conseil national