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LePeupleAnnickClercBerodEn 2006 est paru Le livre noir de la condition des femmes dirigé par la journaliste Christine Ockrent avec la collaboration de 40 contributeurs. La préface de Christine Ockrent commençait ainsi: « Certains principes universels, j’en ai la conviction, doivent être défendus, proclamés et promus, au-delà des cultures et des croyances. Parmi ceux-ci, la Charte des Droits de l’Homme est un texte fondateur pour l’humanité entière. Et l'humanité inclut les femmes – mieux, elle repose sur elles »

Cette conviction est clairement mise à mal dans de nombreuses régions de la planète, et il faut se rendre à cette malheureuse évidence: sur notre Terre, des femmes sont menacées dans leur vie juste parce quelles sont nées femmes, car tout simplement considérées comme inférieures. Les médias ont reporté avec effroi les actes barbares que sont les décapitations d’occidentaux par les combattants de l'Etat islamique, mais la barbarie est aussi là lorsque ces mêmes combattants utilisent le viol des femmes comme arme de guerre ou réduisent la femme à une simple marchandise.

En Europe et en Suisse, la situation est certes plus rose, la condition des femmes ayant spectaculairement progressé au cours du siècle passé. Mais beaucoup reste à faire. Précarité, chômage, sexisme, prostitution, violences conjugales: les femmes sont toujours les premières victimes. Parmi les violences exercées à l’encontre des femmes, les violences conjugales sont les plus cachées. Physique, sexuelle, psychique et économique, cette violence peut prendre différentes formes. Avec des conséquences socio-sanitaires lourdes telles que dépression, troubles psychosomatiques, dépendances, suicide, complications durant la grossesse et l’accouchement,...

La violence domestique est un problème social répandu. Selon la feuille d’information n°9 publiée par le Bureau Fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, 31'365 consultations ont été enregistrées auprès des services d'aide aux victimes en 2013, dont 74% étaient le fait de victimes femmes. Au niveau valaisan, la police a recensé 710 infractions de violence domestique en 2012, et 74% des 383 personnes lésées étaient des femmes.

Et ces chiffres sont sous-estimés! Par peur d’être stigmatisée par la société et de subir des répercussions négatives, souvent la victime ne porte pas plainte ou ne cherche pas de l’aide. Ainsi seule une très faible part des femmes victimes sont en général identifiées. Une étude quantitative1 sur un échantillon représentatif de 1’500 femmes vivant en Suisse a montré qu'une femme sur 5 était confrontée durant sa vie à de la violence dans sa relation de couple, sous forme de violence physique et/ou sexuelle. Effrayant!

Qu’entreprend l’Etat du Valais dans ce domaine? En mai 2012, le Département des finances, des institutions et de la santé a publié un rapport sur un avant-projet de loi sur les violences domestiques. Avec pour ambition de traiter cette question de façon satisfaisante: répondre aux exigences de protection des victimes, prise en charge des auteur(e)s, coordination organisée entre les différents intervenant(e)s et institutions confrontés à des situations de violences domestiques, renforcement de mesures permettant de lutter contre les violences domestiques ou encore établissement d’une statistique cantonale fiable. Bravo! Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous sommes en octobre 2014, et après la mise en consultation de 2012, plus grand-chose, sinon le risque pour le projet de loi d’être «mis au frigo» ou même «schubladisé» comme on dit. Avec des coûts liés à la mise en œuvre estimés à environ Frs 1’000'000.- durant les trois premières années et à Frs 1'700'000.- ensuite, et les difficultés financières actuelles de l'Etat, ce risque est réel. Veillons à ce que cela n’arrive pas…

Annick Clerc Bérod
Députée-suppléante PCS

1Gillioz L., De Puy J., Ducret V., Domination et violence envers la femme dans le couple - Lausanne: Payot; 1997.