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EmmanuelRevazNL'annonce faite le 9 février dernier par le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco), faisant état d'une "nette amélioration du climat à la consommation entre octobre 2005 et janvier 2006", fait partie de ces bonnes nouvelles qu'aucun esprit rabat-joie n'oserait se permettre de tempérer. Comme cela se produit, selon une règle quasi immuable, dans le sillage de ce type de communiqués, tout le monde y va de sa louange, à commencer par les médias, et en suivant par les mondes économique et politique qui s'expriment à travers eux: les Suisses se sont remis à dépenser, à acheter, et à consommer, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le rôle de rabat-joie étant un rôle ingrat à tenir, je me contenterai de celui du citoyen naïf, celui qui demande simplement qu'on l'éclaire, parce qu'il entend le bruit persistant d'un grain qui fait crisser la belle théorie, et parce qu'il lui semble parfois que le discours politico-économique ambiant  est atteint d'une forme de schizophrénie. Comment peut-on se réjouir unanimement de la nouvelle du seco lorsque l'on connaît le fossé grandissant entre ceux qui consomment pour survivre (en Suisse ou ailleurs dans le monde), et les nantis qui consomment pour jouir d'un confort sans cesse croissant, rehaussant par là même, de façon systématique et continue, le standard minimal de besoins pour chacun? Lorsque l'on sait que la surexploitation de nos ressources naturelles, sans cesse stimulée par notre propre consommation, nous a fait franchir en deux siècles une étape d'envergure géologique, qui verra se produire des événements de plus en plus imprévisibles et chaotiques?

On entend souvent que la politique doit se libérer du joug de l'économie. On l'entend souvent, mais tout le monde applaudit à la nouvelle du seco, et les sensibilités de gauche, dont nous sommes, ne font pas forcément exception. Quel homme politique oserait remettre en question, devant les médias, le dogme de la croissance quantitative, soi-disant garante de l'emploi et du financement des assurances sociales?

Alors ayons le courage de le dire, et surtout de sortir de nos schémas qui sclérosent notre vision de l'avenir depuis Adam Smith et sa "Richesse des nations" (1776): non, non et non, le onzième commandement, "Tu consommeras", ne conduira ni à la pérennité de notre société, ni au bonheur de l'homme. Il faut trouver d'autres voies, c'est une simple question de bon sens.

Emmanuel Revaz, Martigny
Février 2006